Derrière la vitre
Comme tous les jeudi, pendant les sessions du Parlement Européen à Strasbourg, je presse le pas pour parcourir les couloirs qui séparent la salle de presse des studios radios.
A la sortie de la salle, couloir de gauche, dans celui-là il fait toujours froid et une tv posé sur un bureau dans un coin diffuse toujours les même images de l’hémicycle.
Puis en passant la porte on prend le grand couloir et à gauche toute avant de viser la première porte à droite...bienvenue dans le couloir des studios radios...sur une quinzaine de mètres les entrées des 6 studios.
Moi, je suis abonné au studio 3, alors jusqu’au bout je garde un pas rapide, pénètre dans la régie en saluant Bertrand pour la deuxième ou troisième fois aujourd’hui, avant enfin de m’engouffrer dans mon antre : une pièce aveugle avec en son centre une table octogonale et dessus ses 6 micros Neumann.
Dans mon élan, je pose mes feuilles à ma place : dos au mur face à la vitre qui me sépare de la régie, avant de retourner à la double porte du studio pour ajuster la luminosité de la pièce. Pour moi les halogènes d’ambiances sont tamisés et les spots venant éclairer la tables plus vifs.
Je passe une tête en régie, histoire de vérifier qu’on est prêt, avant de fermer la première porte : la porte extérieure puis la porte intérieure.
Je m’installe à ma place, remonte mon siège, tout en jetant un oeil à l’horloge : 14h30. J’ai désormais quatre heures pour enregistrer au propre les différentes parties de mon émission, monter les lancements avec les interviews pré-enregistré dans la semaine, étalonner l’ensemble, l’envoyer, rassembler mes bagages, prendre un taxi direction l’aéroport… à 18h00 le CRJ1000 arrachera ses roues du bitume pour me ramener à la maison.
En face de moi, derrière sa double vitre incliné, dans la pénombre de la régie, Bertrand s’affaire sur sa console de mixage pendant que je papote pour régler les niveaux. Un pouce se lève : ca tourne et devant moi sur la table le voyant vient de passer au rouge. Je respire un bon coup, et j’attaque la voix souriante. Je parcours les lignes comme un athèlte sur une piste, jouant avec la respiration comme des haies à sauter : une partie de moi guette le faux pas, pendant que l’autre celle qui est en train de parler garde ou tente de garder une voix chaude et posé.
Tout à coup dans mon casque la voix de Bertrand retentit :" Ah non ! ! Faut que tu reprennes tu viens de dire feumme au lieu de femme...faaaaaaaaammmmmeeeeee...Simon faaaaaammmmeeeeuuuuuu."
C’est pour ça que tous les jeudi j’enregistre avec Bertrand, car je sais que dans le sprint de cette après-midi, lui va prendre le temps de m’écouter, de titiller la moindre fausse note et autre repirations ou intonations déplacées. Il est mon filet de sécurité, là ou j’avance tête baissé avec comme seul objectif : être dans les temps.